vendredi 4 mai 2012

Laurent Diox chez Chéri-Bibi !






Le dernier CHÉRI-BIBI (numéro 007) était formellement disponible depuis quelque temps. En pratique, voilà seulement quelques jours qu'il a fini par nous tomber entre les mains. Les libraires que nous persécutions depuis des mois doivent à présent mieux dormir. Mais le ravitaillement connut, c'est vrai, un mystérieux coup de mou. La faute à la vie, sans doute, qui est ce qu'elle est (et à la fête des 20 ans du journal, peut-être aussi, ayant certainement constitué un gigantesque moment de modification sensorielle, un de ceux dont on ne se remet qu'extrêmement lentement, en reconstituant péniblement ses forces, pour enfin refaire surface un jour, comme insectifié, à la faveur de quelque aurore grisâtre et déprimante). Patiemment, en tous cas, nous avons ainsi attendu, longtemps, avant d'être autorisés à nous repaître du contenu - fort généreux comme à l'accoutumée - de la fameuse feuille populaire-encyclopédiste émise par la bande à Daniel Paris-Clavel, l'étoile (rouge) d'Ivry-sur-Seine.
La tonalité de ce 007 est, sache-le, lectrice, lecteur, très nettement érotique, voire érotomane. Dans le désordre (c'est mieux) : un retour sur le film pornographique, mythique et féministe Le sexe qui parle, de Frédéric Lansac et Francis Leroi, une étude fort poussée (c'est le cas de le dire) de la chanson paillarde jamaïcaine, où l'on découvrira, entre autres choses, que le mahométisme de Prince Buster ne constitua nullement un frein (si l'on nous passe, à nouveau, le mot) à la coquinerie de certaines de ses compositions, puis un dossier passionnant consacré au Rape and Revenge (littéralement : "Viol et Vengeance"), genre cinématographique marginal, et souvent difficile - l'auteur du dossier confessant (qu'on nous pardonne) même certaines baisses de moral ponctuelles possibles à la vision d'oeuvres parfois éprouvantes quoique fécondes - un genre, donc, explorant le thème de la vengeance énergique (meurtres, sévices) exercée par des femmes violées à l'encontre de leurs bourreaux...
Mais les deux grands intérêts, de notre point de vue, du 007, résident cependant d'abord dans la riche et empathique présentation de Musidora, inoubliable interprète d'Irma Vep et égérie des surréalistes, dans l'interview - ensuite - de l'écrivain Stewart Home, à laquelle succède immédiatement, bande de veinards qui ferez bientôt l'acquisition de ce nouveau numéro ! une nouvelle fraîchement traduite du même Stewart Home, bonhomme dont les préoccupations générales rencontrent tout sauf fortuitement la Weltanschauung propre à l'Internationale Skinhead Situationniste, dont CHÉRI-BIBI constitue bien entendu un pilier, la courroie de transmission, le phare, un bastion ou tout autre image valable que votre capacité prédicative et métaphorique saura bien susciter, à la longue. Ajoutons à cela les diverses chroniques (en un seul mot) de rigueur, les notes de lecture et d'écoute, les bédés fort contentantes (les aventures de Verminax, par exemple, ou encore celles de l'As du hold-up, l'aperception de la coupe de cheveux de l'employé de banque récurrent de cette dernière série justifiant même pour nous, à elle seule, l'achat ou le vol du magazine). Tout cela pour un tarif, à notre avis obscène, de 5 euros. Rappelons, par exemple, que le Parisien, pour un prix nettement inférieur, offre un nombre comparable d'occasions potentielles de jouissance intellectuelle, morale, et même autre (à condition de le rouler soigneusement).

Last but not least, notre Laurent Diox saomaïesque parvient même ici à se frayer un passage, accompagné de sa tumultueuse héroïne Henriette, ainsi que de toute l'équipe du Bouif, du Détachement Féminin Rouge et des Magatsu Boys. Nous reproduisons ci-dessous l'intégralité de la critique chéribibienne :

" Éditeur courageux voire téméraire, Sao Maï aime à défricher la littérature singulière. Après avoir notoirement exhumé Villiers de l'Isle-Adam (Tableau de Paris sous la Commune et Le bourgeois mis en pièces), c'est encore une fois dans les marges périphériques que la petite maison d'édition hantée nous convie. Laurent Diox, punk-rocker totonome, banlieusard et - on le sait à présent - écrivain, ne peut être inconnu du zonard des frontières crépusculaires. Amateur des bars rocks parsemant l'au-delà des boulevards extérieurs, tu as déjà croisé sa silhouette syncopée aux rythmes électrifiés, obligé. Toujours dans les parages mais paraissant ailleurs à trimballer son univers intérieur, Diox a porté le présent bouquin durant des années avant, enfin, d'accoucher de ces 500 pages pleines de rage et d'amour rentrés. Les 150 premières se dévorent avidement en suivant les déambulations d'un punk squatter confronté à une guerre des classes " psychico-techno-magique " dans un Montreuil plein de clins d'oeil où apparaissent des personnages qu'un fil ténu sépare de la réalité (on y reconnait - entre autres - quelques évadées des Witches Valley et de La Fraction ainsi qu'une rude girl dont nous tairons le nom). Entre rêves fantasmatico-politiques et portrait tragi-comique du délire sécuritaire actuel, le récit passe très vite en mode halluciné mêlant spiritisme Communard et super-pouvoirs japonisants... Et force est d'avouer que, malgré de belles inventions stylistiques, j'ai fini par me saturer les neurones à essayer de débrouiller une histoire qui s'éloigne bien vite des sentiers de la chronique urbaine - façon Jacques Yonnet - pour dérouler des péripéties labyrinthiques n'ayant rien à envier à une version manga de Ghostbusters II sous champi. Sûr qu'avec un tiers de pages en moins le propos aurait été plus clair, mais qui n'a jamais rêvé de se transformer en boule de feu pour franchir une ligne de CRS me jettera ce pavé conseillé. "


CHÉRI-BIBI est disponible en principe dans ces librairies-là.
On peut aussi le commander auprès d'eux, via leur site.