mercredi 11 septembre 2013

Onze septembre : souvenons-nous !



« Toute société a les onze septembre qu’elle mérite.
Voilà ce qu’écrit, ce jour de 1866, le comte Villiers de l’Isle-Adam à son complice Mallarmé :

Le fait est que je ferai du bourgeois, si Dieu me prête vie, ce que Voltaire a fait des « cléricaux », Rousseau des gentilshommes et Molière des médecins. Il paraît que j’ai une puissance de grotesque dont je ne me doutais pas. Enfin nous rirons un peu. On m’a dit que Daumier les flattait servilement en comparaison. Et naturellement, moi j’ai l’air de les aimer et de les porter aux nues, en les tuant comme des coqs. Vous verrez mes types, Bonhomet, Finassier et Lefol : je les énamoure et les cisèle avec toute ma complaisance. Bref, je crois que j’ai trouvé le défaut de la cuirasse et que ce sera inattendu.

Comme on le sait aujourd’hui, ni Finassier ni Lefol ne resurgirent ensuite à la conscience de Villiers, exigeant, personnages en quête d’auteur, que ce dernier leur donnât un visage, une histoire, la vie. Seul Bonhomet devait prendre corps, avec une fureur, certes, qu’on n’eût point attendue d’un tel prétexte de néant. Que dire alors de l’âme attachée à ce corps, et se rappelant parfois à lui en d’aussi terrifiantes extases ?... »  

(Extrait de l'Avant-propos au Bourgeois mis en pièces, de Villiers de l'Isle-Adam (éd. Sao Maï, 2009).